Lettres à mon député-maire
Lettre 1
Monsieur le député-maire,
La discussion du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet approchant, je me permets de solliciter quelques minutes de votre attention.
Tout d'abord un préambule : un outil n'est pas mauvais en soi, mais ce qu'en fait un homme peut le faire croire. Pour guider l'homme dans ses actes, c'est son intelligence qui lui apportera la meilleure aide. Mais soyons d'accord sur ce que j'entends par intelligence : vous qui croisez beaucoup de monde, je suis sûr que simplement en serrant une main, en échangeant quelques mots, un regard, un sourire, vous pouvez dire : cette personne est intelligente. Rien à voir avec ses diplômes, vous avez peut-être même pu deviner qu'elle n'en avait pas. Rien à voir avec ses idées, vous avez peut-être entendu que vous n'aviez pas les mêmes. C'est l'échange et l'ouverture vers l'autre qui font l'intelligence.
C'est donc le manque d'investissements faits vers l'intelligence qui me désespère. Pourtant, il y a eu des efforts dans ce sens, aboutissant par exemple à l'invention de la presse, et plus récemment, à l'arrivée d'internet. Aller vers les autres, échanger tout ce qui nous a touché, est devenu d'une extraordinaire simplicité. Cela peut être artistique, scientifique, ludique, pratique pour la vie de tous les jours, cela peut faire suite à la découverte d'une culture lointaine, ou d'un nouveau voisin de palier, les échanges se multiplient. On ne doit pas de nouveau laisser s'installer la peur d'échanger, c'est un crime contre l'intelligence.
Avez-vous senti ce vent de liberté ? le moindre questionnement se résout souvent en quelques clics. En particulier pour des gens qui n'ont pas grand-chose, ce peut être des fardeaux vite envolés. Ils avaient choisi l'antenne parabolique plutôt que les vacances, aujourd'hui ils ont bien mieux : internet. Problèmes de santé, juridiques, administratifs, les gens échangent sur de nombreux sujets. Mais les droits d'auteur ? Comment ces spécialistes de la santé, de la justice, de l'administration vont faire pour vivre ? Il y a de nouvelles solutions, mais la peur nous fait préférer les anciennes. Et pourtant, il y en a d'autres, déjà formulées ou à découvrir. Je ne rentrerai pas dans le détail, mais certaines qui ont fait rire à leur début il y a 25 ans, ont permis de produire des logiciels ayant fait leur preuve dans le monde entier.
Pour conclure, il y a le coût de la répression que programme cette loi. Je pense que n'importe quel informaticien vous dira que c'est peine perdue, n'importe quelle mesure trouvera sa contre-mesure, le coût de la guerre que veut mener cette loi sera un gouffre financier. Finalement, il s'agira d'expliquer à une majorité de gens qui ont peur de perdre leur travail, que l'argent de leurs impôts servira à les priver de choses pourtant à portée de main.
Devant les grilles de l'Assemblée Nationale, à l'arrivée de la flamme olympique, vous et quelques-uns de vos collègues aviez déjà fait preuve d'un grand courage en soutenant les peuples Tibétain et Chinois dans leur quête de liberté. Dans l'espoir que vous entendrez mon appel, je sollicite une intervention du même ordre de votre part à l'Assemblée Nationale, pour défendre la liberté dans notre pays, et vous prie d'agréer, Monsieur le député-maire, l'expression de ma respectueuse considération.
Lettre 2
Monsieur le député-maire,
La discussion du projet de loi de protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur Internet approchant, je me permets de solliciter quelques minutes de votre attention.
Nous sommes nombreux à avoir dénoncé la loi "Création et Internet" comme étant contraire à de grands principes démocratiques. Le Conseil Constitutionnel a confirmé ces accusations, cette loi s'attaquait bien à la liberté d'expression. Nous sommes de plus en plus nombreux, y compris parmi les artistes, à voir qu'une loi mal écrite, du point de vue de l'informaticien, du juriste, et surtout du constitutionaliste, a été proposée aux parlementaires. Pourtant, elle a été votée. Pourquoi ? Il y avait sans doute une part d'incompétance, une part de fermeture d'esprit et aussi une part d'irresponsabilité, où l'on défend un parti avant de défendre le peuple. Ce dernier point est peut-être le plus grave. Est-ce que des notions telles que Justice, Constitution et Démocratie sont si peu importantes qu'on puisse les traiter avec autant de légerté ? Le but est peut-être de discréditer, pour ne pas dire insulter, ces notions ? Les scandales politiques, révélés de plus en plus souvent, ne suffisent sans doute pas, il faut accéler la ruine du crédit que les français accordent aux institutions de la République.
De cette loi, il aurait été plus raisonnable de ne rien retenir, et pourtant, elle a été promulguée. Et après quelques semaines, toujours avec la même légerté, pour ne pas dire le même mépris, une nouvelle loi se propose de la compléter. Pour répondre à la censure du Conseil Constitionnel, on introduit le juge et on prétend le réduire à l'état d'une simple chambre d'enregistrement. Tout juge digne de ce nom se refusera de restreindre une liberté aussi fondamentale que la liberté d'expression en s'appuyant sur une simple présomption de culpabilité. Il devra donc ouvrir une enquête de police. Ainsi cette nouvelle loi rencontrera les mêmes écueils que la loi DADVSI. Ce n'est là qu'un exemple parmi tant d'autres des absurdités de ce nouveau texte.
En informatique, on appellerait ce nouveau projet un bidouillage. Et c'est tout a fait inacceptable quand on touche une partie aussi sensible du logiciel. Ils ne sont que quelques parlementaires, dont le député de la Haute Savoie Lionel Tardy, à s'insurger. Si vous n'êtes pas plus nombreux à manifester votre indignation, ce sera le Conseil Constitutionnel qui le fera. La République n'en sortira pas grandie. Dans l'espoir que vous entendrez mon appel, je vous prie d'agréer, Monsieur le député-maire, l'expression de ma respectueuse considération.
Lettre 3
Monsieur le député-maire,
A l'occasion de l'élection législative partielle de la 10ème circonscription des Yvelines, consécutive à la démission de Madame Christine Boutin de son poste de député, le Parti Pirate présente son premier candidat à une élection française. Comment un tel parti a pu émerger ? J'aurais aimé avoir votre sentiment sur ce sujet. Je vous propose quelques éléments de réponse :
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Il est triste de décourager les gens à communiquer sur ce qui a pu les étonner, les émerveiller. C'est en se fermant aux autres que les préjugés puis les conflits naissent. Et si ces conflits ne nous coûtent pas la vie, on risque néanmoins de passer largement à coté du bonheur, car le bonheur tient dans ces relations, dans ces échanges.
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L'information est quelque chose de bien volatile, difficile à contenir. Vouloir la mettre dans une cage pour en faire une propriété va contre toute raison.
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Pouvoir censurer sous prétexte de propriété intellectuelle, de copyright ou de brevet n'aurait simplement jamais du être accepté.
Pour exercer raisonnablement sa souveraineté, un peuple doit avoir accès à la connaissance, à l'information. Il doit aussi avoir les moyens de se faire entendre. Garantir ces accès pour tous, jusqu'il y a peu, aurait eu un coût énorme. Aujourd'hui avec internet, c'est à portée de main. Notez où en est le taux de pénétration d'internet dans le monde, et ceci en une génération.
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D'une façon générale, avoir quelque chose en ma possession, en me disant que d'autres ne l'ont pas, ça me dérange, c'est une question de compassion. Pour des choses matériels, qui diminuent quand on les partage, je peux plus facilement l'accepter, mais pour des produits de l'esprit, beaucoup moins.
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Pensez-vous que seule une élite devrait avoir accès à la connaissance, laissant une grande majorité dans une injustifiable frustration ? Etrangement, je me sentirais bien plus en sécurité dans un autre monde, un lieu où ce savoir serait accessible à tous.
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Je ne veux pas militer contre le capitalisme ou je ne sais quel autre système, car ce ne sont que des outils. Mais s'ils empiètent sur des questions bien plus essentielles, cela me pose un problème.
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Croyez-vous honnêtement que si le copyright et les brevets disparaissent, la création disparaîtra ? Beaucoup pensent le contraire, avec un contre exemple en tête qui est justement internet, fruit des travaux d'universitaires, et non d'intérêts privés.
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Peut-être que vivre de ses créations sera plus difficile ? Mais comment un fan, qui peut voir tous les jours sur internet que sa ferveur est partagée par des centaines d'autres pourrait continuer à croire en de telles fables ?
Pour finir, j'aimerais vous rappeler qu'en Allemagne, des hommes politiques d'expérience, Jörg Tauss du SPD et Herbert Rusche, co-fondateur du parti des Verts, ont rejoint le Parti Pirate. En France, peut-être que certains de nos députés feront aussi ce mouvement. Je serais fier que mon député, maire de ma ville, soit l'un d'eux, et le prie d'agréer l'expression de ma respectueuse considération.